Ce matin, ma factrice a donné un coup de pied dans son vélo, jeté son casque et crié au ciel « boulot de merde » !
Elle avait juste oublié son passe pour entrer dans mon immeuble. En ces temps de confinement, ce devait être la goutte de trop… le vase de l’incompréhension, de l’injustice, devait être plein.
Elle avait peut-être le droit de se dire :
Il y a ceux qui travaillent comme moi et ceux qui, tranquilles, et pépères à fainéanter toute leur journée avec des aides de l’Etat, matent, en sirotant un thé ou un café, les jolies factrices qui passent sous leur balcon.
Ou encore, il y a ma mère, si seule, que je ne verrai pas pendant deux mois…
Ou mon mec qui tourne en rond dans notre appart et que je retrouve le soir sur les dents et qui n’attend qu’une chose, calmer sa frustration par un câlin quotidien. On voit bien que ce n’est pas lui qui pédale !
J’en ai marre de rien y comprendre à tout ça ! Marre de ces chiffres, de ces statistiques ! De ces pétitions que je reçois par mail signées par des centaines de médecins, pharmaciens qui dénoncent des omissions ou des aberrations de nos gouvernants !
Et puis c’est quoi ces commerces qui ouvrent et ceux-là qu’on ferme ! Et puis ces personnes âgées en prison dans leurs chambres ! Quitte à être en prison qu’on leur installe au moins un parloir dans une salle commune ! Ils pourront au moins voir un peu leurs petits enfants avant de mourir ! Et puis qu’est-ce qui va se passer lors de la prochaine grippe ! Ils vont peut-être nous confiner pour celles-ci aussi ? Parce que là aussi les chiffres ils ne vont pas être beaux !
Je suis fatiguée de tout ça, tiens, je vais rentrer chez moi, me faire un petit café et mater les fantômes qui passent sous mon balcon !
Et j’ai vu ma factrice laisser son paquet d’enveloppes au pied de mon immeuble et partir d’un coup de pédale rageur je ne sais où.